samedi 29 avril 2017

Comme des mains autour



- Moi, j'aime bien. Tu vois là, regarde, y a comme le désir de faire monter la ville au-dessus du sol, tu vois, les dalles, ça permet aussi de libérer le piéton du reste du flux de la circulation automobile et puis ça invente aussi des espaces, des places, des lieux pour regarder, tu vois, en fait des distances.
- Mouais... Mais pourquoi ce serait négatif de vivre à la hauteur de la circulation ? Pourquoi que la circulation, le mouvement, la frénésie urbaine ne pourrait pas être un spectacle, une attraction ?
- Ba ça pue, c'est bruyant, ça coupe les chemins du piéton, c'est toujours la voiture qui gagne, toujours le piéton qui attend sur le trottoir, toujours.
- Ok mais alors c'est une question de circulation, de règlement des cheminements pas tellement une question d'architecture
- Ba... Architecture et urbanisme ça fait le travail ensemble tu crois pas ?
- Si mais justement, moi je crois que les circulations et les objets de cette circulation doivent travailler ensemble et pas faire finir le piéton sur des îles de béton dont le seul intérêt est le vide comme si le vide était un objet urbain !
- Mais, mon gars va à Venise, tu verras comment le vide il fait ville, redonner du vide à la ville c'est donner la chance de la rencontre. Non ? Portzamparc c'est pas un con ?!
- Moi, je crois pas à ça tu vois, finalement, sur une place, un trottoir, un parking on est toujours tout seul ! Tu peux bien vivre en pleine solitude à Venise, c'est pas la beauté harmonique d'une placette aux Hautes Formes qui te fera rencontrer du monde ou sortir de ta solitude, l'altérité urbaine comme dit David, c'est d'abord une altérité pour soi non ?
- Euh, je ne voulais pas...
- Ah tu vois, David n'est pas sûr de lui...
- Disons que...
- Non, non, reprit Walid, franchement, je crois que les dalles c'est beau, c'est minéral, c'est un spectacle ok ! Mais je ne crois pas que ce soit un meilleur système ou même une solution. Je ne veux pas confondre ou opposer un spectacle à un autre. Il n'y a pas de solution urbaine adéquate, il ne devrait y avoir que de l'éducation. En fait, dans un bus, quand tu laisses ta place, tu t'en fous de la couleur du siège ou de la marque du bus, tu es juste en train de porter attention à l'autre et....

Je laissais Walid et Jean-Jean à leur discussion. Je regardais comment les mains de Walid remuaient l'air, comment il avait toujours cette facilité à prendre l'espace, à s'installer, à être au centre. Jean-Jean essayait de venir dans cet espace, de respirer le même air, de jouer aussi avec la construction de son espace. Walid assis sur la table en écoutant Jean-Jean, ne le regardait pas, il continuait de trier les documents, de ranger, de pointer un détail. Jean-Jean, pourtant plus grand, semblait ramassé, essayait de croiser le regard de Walid et il faisait sans s'en rendre compte, des petits tours sur lui-même. Tous les trois avions regardé le dépliant consacré à cette incroyable réalisation de l'Hôtel de Ville de Toronto par Viljo Revell son architecte. On y trouvait toutes les préoccupations de l'époque, une forme d'évidence du programme projeté sur l'extérieur, une clarification des espaces, un désir, au fond, malgré le béton, d'une transparence des enjeux et des circulations. J'aimais comment les Tours, comme les mains de la sculpture La Cathédrale de Rodin, tournaient autour du dôme, j'aimais la rampe, le vide et l'espace entre les deux Tours. Jean-Jean et Walid étaient surtout intéressés par la minéralité, la peau de la façade, et la manière dont l'ensemble venait prendre sa place dans le réseau urbain. Le dépliant avait une particularité, il n'avait aucune photographie, tout était dessiné sauf la première vue qui ne montrait pourtant pas l'Hôtel de Ville ! Walid me dit qu'il pensait que lors de la conception du dépliant, l'ensemble ne devait pas être achevé. Je me rangeais à cet avis. Nous n'avions aucune idée de comment ce document avait atterri dans les archives de l'Agence Lestrade, certainement apporté par une amitié voyageuse ou expédiée depuis le Canada.
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Dans la cuisine, posée sur son bord, appuyée comme un minuscule écran de cinéma, la carte postale du square Nathan Phillips et de son Hôtel de Ville  à Toronto attendait dans la moiteur de la cafetière que Jean-Michel descende et la trouve. Yasmina avait exprès laissé la carte postale sur la table familiale parfaitement installée pour le petit déjeuner. Elle savait que, chacun leur tour, Jean-Michel, Jocelyne puis enfin son fils Mohamed, certainement très tard et en dernier, tout en trempant leurs tartines dans le café seraient contents de voir cette image envoyée par François, ami de la famille.
Yasmina savait que Jean-Michel aimerait que François précise que les autoroutes sont formidables ! En ce mois de juillet, Momo fut pourtant le premier à descendre. Il regarda la carte sans y toucher, de près, avec une attention particulière. Il ne voulut pas lire la correspondance et laissa sa mère, étonnée de le voir si tôt, lui donner le nom de l'expéditeur. Momo émit un ah... de surprise, puis, disparaissant dans ses préoccupations, Momo resta silencieux. Sidonie attendait la naissance de son fils Alvar. Momo n'avait que ça dans l'esprit. Il vit alors, bêtement sans doute, les deux Tours comme des parents et la coupole comme l'enfant, à la fois autour, protégeant mais laissant le ciel au-dessus, laissant la lumière et l'espace caresser la blancheur de l'épiderme de ce dôme.
Yasmina posa sa main sur le cou de son fils. Elle aimait ce duvet fin à la base de ses cheveux. Momo ne bougea pas, ne dit rien, laissa comme à son habitude, ce geste de tendresse qu'il connaissait par cœur avoir lieu.
La savatte glissa du pied gauche de Momo. Il émit un soupir, ne sachant plus très bien ce qu'il devait faire aujourd'hui.
- Tu es déjà debout, lui lança soudain Jean-Michel descendu à son tour dans la cuisine ?
- Ba, oui.
- Oh ! Belle architecture ! C'est François ! affirma Jean-Michel en se saisissant de la carte postale. Toujours en voyage celui-là, c'est pratique de travailler pour Renault !
Momo ne réagit pas. Le pain absorbait le café au lait. À nouveau sur son cou, il sentit une main. Cette fois, c'était Jean-Michel.
-Tu fais quoi de ta journée mon fils aujourd'hui ? lui demanda son père............................................

 









 

 

 

mercredi 26 avril 2017

La valise miraculeuse



Dans cette valise achetée la semaine dernière, il y avait bien plus que les 130 cartes postales que j'avais triées parmi les 500, avant que, sur les conseils du vendeur, je décide d'acheter la totalité du lot.
Il y avait aussi des diapositives et une promesse incroyable dont j'aurai à vous parler bientôt. Mais pour l'instant, il est question d'une série contenue dans ce lot, une série déjà particulière par son format puisque les cartes postales ont une taille de 17cm par 11,5cm. Cela fait de ces cartes postales des grandes images qui racontent de fait, un autre désir éditorial, une autre fonction, un entre-deux, quelque chose entre la maxi carte postale ou le mini-poster.
Le verso, vide d'emplacement pour le timbre et de séparation centrale entre correspondance et adresse est aussi un signe d'une autre aventure.
Ce verso nous indique que ces cartes géantes appartiennent à une série appelée Vingt cinq fois Paris, atelier de création de Paris, fondation nationale de la photographie. Elles sont bien éditées chez le grand éditeur Yvon, éditions d'Art et imprimé en France.
Il est facile de retrouver la trace de la fondation nationale de la photographie ici.
Nous sommes donc face à une série visant à promouvoir un autre regard sur Paris en offrant à une multitude de photographes l'occasion de faire et donner leur idée de Paris en sortant un peu certainement du cliché déjà vécu comme appauvri de ce qu'est une carte postale mais aussi de ce que l'on s'attend à voir de Paris. Format, tirage, choix des photographes, tout cela indique ce désir, on pourrait même dire ce dédain de la carte postale habituelle, c'est à dire celle produite en masse, justement par Yvon ! S'agit-il aussi pour l'éditeur de renouveler le désir d'achat, de faire revenir des clients qui, au milieu des années 70 boudaient déjà les cartes postales conventionnelles ou de trouver un nouveau type d'acheteur plus Arty comme on dirait aujourd'hui. Difficile de croire que la maison Yvon, grand éditeur, au milieu des années 70, avait du mal à vendre des vues traditionnelles de Paris et avait donc besoin de ce renouveau. Il est raisonnable de croire qu'il s'agit surtout d'une tentative de donner à la société une image plus moderne et de soutenir ainsi la création contemporaine. Peut-être aussi que, simplement, pour la fondation nationale de la photographie, le soutien d'une grande maison d'édition imprimant bien, diffusant largement était utile à sa fonction de diffusion de la création photographique. Comme je ne possède pas la série complète qui affiche 25 vues différentes, je ne pourrai pas tirer trop de conclusions de cet ensemble.
On note donc que Paris est ici travaillé à la fois dans un mélange d'un Paris moderne, voire très contemporain (Beaubourg) et d'un Paris plus traditionnel, tentant par le détail de nous prouver que Paris possède encore quelques éléments affichant son éternité attendrie comme les boutiques anciennes déjà jugées comme remarquables en ce milieu des années 70 et donc aussi... Nostalgiques...
Les photographes tentent aussi, pour faire artistes, des cadrages inédits, des effets de kaléidoscope, des flous et des bougés, tout ce qui contrarie en fait une lecture par trop facile ou reconnue du Paris attendu. C'est à la fois, parfois, intéressant, parfois troublant ou émouvant et parfois, disons-le, épuisant à force de trop vouloir se détacher du modèle pour produire avant tout une image originale. Mais je ne bouderai pas mon plaisir et cette série a le mérite de raconter comment on tente de sortir une ville du cliché de sa représentation tout en affirmant sa force.
On note aussi que certains clichés (Pascal Hinous) sont signalés comme appartenant à la revue Connaissances des Arts, ce qui tendrait à prouver qu'il y a là un recyclage d'images pour cette série. Difficile aussi de savoir comment cet ensemble était diffusé. Sur les mêmes tourniquets que le reste de la production de Yvon ? Dans un espace privilégié ? Et à quel prix ? On notera aussi que ce format géant devait être un choix un peu contrariant pour l'expédition même si les éditeurs de cartes postales avaient l'habitude de vendre des panoramiques, des vues brodées ou tout autres cartes postales à système. Pas de doute que le client achetant une carte de ce type faisait preuve d'un geste inhabituel et se voulant original, pour l'expédition et la correspondance mais aussi pour la conserver et peut-être l'afficher : to pin-up !
Il va de soi que si Messieurs les photographes veulent nous raconter cette histoire, ils sont les bienvenus. Je signale que dans ce lot, pour l'instant, je ne vois aucune femme photographe...
Allez ! On regarde ?
le front de Seine : Architecture, par Bruno Depeyre :



promenade imaginaire, par André Naggar :



Beaubourg et autour, par André Naggar :



Chevaux de bois, par André Naggar :



le palais de Justice, par Daniel Boudinet :



Le Trocadéro, par Daniel Boudinet :



Paris bleu nuit, par Édouard Rousseau :



le coffret magique, par Édouard Rousseau :



Notre-Dame vue du Centre Georges Pompidou, par Pascal Hinous :



les toits de Paris vus du Centre Georges Pompidou, par Pascal Hinous :



La structure métallique du Centre Georges Pompidou, par Pascal Hinous :



Motif d'une boulangerie parisienne, par François-Xavier Bouchart :



La mère de famille, par François-Xavier Bouchart :



Zazie au Trocadéro, par Jean-Pierre Lambersend :



L'arbre et la ville, par André Avignon :



Montparnasse d'hier et d'aujourd'hui, par François Demerliac :



La Défense, par Thierry Castel :




lundi 24 avril 2017

Dernière lettre ouverte à Madame Azoulay avant son départ.

Madame Azoulay,
Ministre de la Culture et de la Communication,


Je suis un citoyen français, j'ai fait mon service militaire, je travaille dans la fonction publique, je paie mes impôts et mes costumes, mes contraventions aussi car, lorsque je commets une faute vis-à-vis de la République et de ses lois, je tente toujours au mieux de réparer et j'admets mon erreur.
Je pense donc être un citoyen digne d'une réponse de votre part, Madame la Ministre de la Culture.

Par trois fois Madame Azoulay, je vous ai adressée un courrier sur papier, ce que nous appelions avant une correspondance. Ce mot aussi est beau, correspondance.
Je croyais et je crois encore que, lorsqu'un citoyen écrit à une Ministre, même s'il ne peut s'attendre à une réponse familière ou même trop personnelle, l'administration interpellée se doit de répondre si ce n'est par la négative à ladite requête au moins, au minimum, par un courrier formel indiquant qu'il a bien pris en compte ce courrier.

Par trois fois, Madame Azoulay, je n'ai eu de votre part ou de ceux qui travaillent pour vous aucune réponse.

Trois fois.

En ce lendemain d'élections, je ne sais pas dans quel état cette lettre ouverte vous trouvera.
Au travail sans doute, réglant les derniers dossiers, travaillant au passage possible de votre Ministère à votre successeur. Je crois que nous espérons tous les deux que ce Ministère de la Culture sera toujours un Ministère de l'ouverture, de l'échange, de l'expression libre, et d'une forme de joie et de vie poétique.
Alors, Madame la Ministre de la Culture, nous aurons un Ministère de l'altérité qui écoutera, entendra, comprendra que la Culture se fait avec l'ensemble des mouvements citoyens, avec les associations, avec les artistes, avec les enseignants, avec ceux qui, lorsqu'on s'adresse à eux répondent.

Répondre.

L'état du Patrimoine Architectural Moderne et Contemporain est aujourd'hui terrible. Les menaces et les destructions n'ont jamais été aussi puissantes souvent pour des raisons croisées allant d'un manque de culture de nos élus et des citoyens à des lois sur la réduction énergétique qui écrasent les particularités et les fondements de leur beauté. Quant à nos paysages...

Il est temps d'établir un état d'exceptionnalité patrimoniale totale du Patrimoine Moderne et Contemporain.

Les destructions s'enchaînent, les Labels Patrimoine du Vingtième Siècle sont bafoués, dans des villes de droite comme dans des villes de gauche.  Dans les villes mais aussi dans nos campagnes où un petit patrimoine mal connu, mal aimé est réduit au silence. Voyez, par exemple, comment la cantine scolaire de Marçon dessinée par Messieurs Wogenscky et Le Corbusier est traitée...
Le classement du centre commercial de Ris-Orangis attend depuis cinq années une réponse de l'administration.
Je ne vous fais pas l'affront de vous faire à nouveau une liste, certain que je suis que ces dossiers sont sur votre bureau et j'ai déjà eu la joie de vous les signaler par trois fois.

Trois fois.

Vous avez avec le Patrimoine Moderne et Contemporain un levier puissant pour dire votre attachement à certains territoires délaissés. Vous avez par la déclaration d'intérêt patrimonial de ces architectures dans ces territoires l'outil pour dire à ces populations qu'ils appartiennent à la Culture, qu'il y habitent, qu'ils l'utilisent et la rendent vivante. Vous auriez pu jeter sur ces territoires une lumière, celle qui permet de reconnaître un monde.

Je ne sais pas ce que deviendra cette lettre. Finira-t-elle, archivée, dans une boîte ? Je suis certain que mes collègues fonctionnaires au Ministère de la Culture feront bien ce travail d'archivage.
Ou ira-t-elle directement dans la broyeuse, accompagnée d'un sourire complaisant se moquant de ma naïveté à croire que vous me lirez et me répondrez et que la politique ne se fait pas de la sorte par l'interpellation citoyenne ?
C'est pour cette raison que je publie cette lettre ici, sur les réseaux dit sociaux. C'est aussi une belle dénomination : réseaux sociaux.

Ne pas répondre à un citoyen c'est le désespérer. Ne pas répondre, c'est ce qui fait douter de la démocratie et de son bon fonctionnement. Ne pas répondre c'est du dédain de l'expression populaire.
Nous savons, tous les deux Madame la Ministre, comment cela se termine.

Alors, je joins un timbre à ce courrier. Peut-être qu'après tout le budget du Ministère de la Culture ne vous permet plus de répondre par courrier à un citoyen. Ce timbre c'est la preuve de l'existence d'un service public, d'agents qui cheminent sur les routes portant avec eux les missives des citoyens français croyant encore aux fonctionnements des services publics et de leurs représentants élus.

Dans l'espoir fou que vous soyez encore pour quelque temps dans l'action politique et poétique, veuillez agréer Madame la Ministre de la Culture, l'Expression vivante et citoyenne de ma Considération Distinguée.

David Liaudet



Pour la correspondance de cette carte postale de Viry-Châtillon, Huguette indique : " Fixez-moi un après-midi de la semaine prochaine et j'irai le passer avec vous... Le soleil revenu remet le moral en place. À bientôt."
Tout pareil que Huguette, Madame la Ministre, tout pareil.
N'oublions pas que l'ensemble résidentiel CILOF est de l'architecte Maurice Novarina et qu'il s'agit d'une édition Combier en photographie véritable datée de 1965.




vendredi 14 avril 2017

Dubuisson à bicyclette

D'abord tout commença par cette belle carte postale qui ne montre d'ailleurs que peu d'architecture :



On y voit un jeune homme assis dans l'herbe en train de réparer une crevaison sur une bicyclette. Le seau d'eau servant sans doute à trouver ladite crevaison en faisant buller le pneu sous l'eau.
L'herbe, le soleil, le chapeau et la veste, le corps posé dans l'herbe, tout cela sent bon le début de siècle dernier, quelque chose entre Proust et Manet, Alfred Jarry et Seurat.



Mais je n'aurais sans doute pas acheté cette carte postale si elle ne comportait au dos quelques importantes informations, je vous laisse lire :









D'abord le tampon d'Émile Dubuisson, architecte diplômé par le Gouvernement, Lille puis la correspondance et la signature qui prouve l'envoi par cet architecte. On note l'affranchissement du 18 février 1914 depuis Lille. Il s'agit bien d'une carte postale envoyée par l'architecte lillois, père de Jean Dubuisson dont nous chantons si souvent ici les joies architecturales de ses belles grilles modernistes. La carte postale est envoyée à Robert Roger à Pamiers. On lit mal mais il pourrait s'agir aussi d'un architecte. On trouve d'ailleurs son nom associé à la construction d'écoles dans la région de Pamiers.
Bien entendu, il nous sera difficile de définir ces liens d'amitiés ou professionnels entre ces deux personnes. La photographie relate un moment convivial et familier et il s'agit d'une carte-photo, c'est à dire une carte postale faite à partir d'une photographie privée tirée sur papier préparé comme une carte postale. Ici, un papier As de Trèfle. On peut imaginer que soit Émile Dubuisson a photographié Robert Roger, soit Robert Roger a photographié Émile Dubuisson...À moins que ce ne soit ni l'un ni l'autre !
N'ayant pas trouvé de photographie d'Émile Dubuisson, il m'est difficile de l'authentifier sur ce cliché. On attendra que des spécialistes de cet architecte ou même sa famille toujours active en architecture nous disent s'il s'agit bien de l'arrière-grand-père ou pas.



Grâce à l'oblitération, il nous est aussi aisé de savoir qu'Émile Dubuisson n'est pas encore père de Jean Dubuisson qui ne naîtra que le 18 septembre de cette même année 1914.
Mais comme il s'agit ici de parler de cartes postales d'architectures, voulez-vous voir l'une des œuvres emblématiques d'Émile Dubuisson ?
Le Beffroi de Lille bien sûr !



Il est aisé de trouver des cartes postales de ce Beffroi, véritable emblème de la ville de Lille. J'avoue ne pas être particulièrement touché par ce style même si j'en aime un certain goût un peu Steampunk, quelque chose entre Little Nemo, les interprétations de Schuitten, un Jules Verne concret. C'est déjà bien ! Mais il se trouve qu'aujourd'hui, au pied de ce Beffroi d'Émile Dubuisson est construit un ensemble moderniste d'un architecte que nous aimons défendre (parfois...) sur ce blog. Oui, il s'agit de Jean Willerval qui a construit cette résidence :



Voici une carte postale des éditions T.T. Lille qui, étrangement nous nomment bien le Beffroi, sa hauteur (105m) et le datent du début du XXème siècle (sic) mais oublient l'ensemble moderniste à son pied. Pourtant, la photographie tente bien ici de faire jouer le contraste entre le Lille moderne et le plus ancien, plaçant comme il se doit un premier plan de verdure, comme si soudain, au détour d'un bois, dans une clairière urbaine, surgissait la ville...
D'une très grande qualité architecturale et urbaine, l'ensemble nous séduit surtout ici par la grande beauté du béton et le travail des poutres et des piliers. On note aussi comment la façade très régulière, implacable, joue de son épaisseur, alternant une horizontalité contrariée par une ouverture verticale revenant en limite soutenant ainsi visuellement au moins les enfilades des balcons.





Dans l'Architecture d'Aujourd'hui de 1967, on remarque que la mise en page, tout comme la carte postale font jouer le Beffroi avec la résidence. Gilles Ehrmann, photographe bien connu ici, donne toute la mesure du collage et de la puissance de la construction dans cette revue. On aimera aussi, et c'était bien là une qualité de cette revue, comment, sur une seule page (!) on trouve plan, dessins, photographies et texte tout cela parfaitement lisible et équilibré. Bravo le metteur en page ! On note aussi que la présence du Beffroi est toujours affirmée comme pour montrer son intégration, du moins sa lisibilité au milieu de ce programme moderne.
Comment Jean Dubuisson a-t-il perçu de ne pas pouvoir inscrire son travail au pied de celui de son père ? Avait-il concouru pour ce programme ? J'aimerais bien savoir ça.