mardi 27 septembre 2016

Merci de reconnaître André Gomis



Peu de cartes postales d'architectures modernes ou contemporaines possèdent finalement une telle force. On peut facilement en comprendre les raisons (et l'émotion) : formes affirmées, couleurs en aplats et parfaitement découpées, clarté des zones de l'image, volumétrie sérielle, absence de présence, solidité de la composition venant caler les bâtiments depuis un angle dans une diagonale brisée, ombres dures et lumière franche.
Cette carte postale est une édition Jos, grand éditeur de la Bretagne qui, malheureusement, ne nomme pas le ou la photographe. L'architecture ? Peut-être l'aurez-vous reconnue, il s'agit du Village Vacances de Guidel par l'architecte André Gomis dont nous ne nous lassons pas, sur ce blog, de dire les qualités.
Une fois encore se pose d'ailleurs depuis ce type de photographie la question de qui est responsable de l'image de l'architecture. S'il ne fait aucun doute que d'abord ici c'est bien les volumétries et le dessin de l'architecte qui dominent, on peut aussi acquiescer au fait que cela n'oblige en rien à une image sachant les rendre. Pourtant, l'architecture détermine en quelque sorte ses propres points de vue, obligeant presque, pour en rendre compte, de venir la photographier d'ici précisément. C'est bien ce dialogue (ou discours) que nous tentons de mettre à jour. André Gomis sait bien que ses formes, ses volumes, ses choix architecturaux formeront un registre plastique déterminant une esthétique de l'ordre, de la force, presque de la sculpture. On reconnaît aussi une volonté de choisir des matériaux et des couleurs jouant une certaine reconnaissance régionale sans être dans un pastiche ridicule. On pourrait dire qu'André Gomis tient ici la Bretagne par ses puissances telluriques alignant les pointes creusées, les toits posés comme à Carnac les menhirs. On aime comment les balcons projetés vers l'extérieur de la façade répondent aux creux des fenêtres dans les pentes des toits. On aime comment le noir du toit ourlé répond à la blancheur des façades pointues, on aime l'étrange et subtil vide laissé entre les pavillons permettant aux ombres de jouer avec la géométrie, on aime le grand vide blanc au-dessus des balcons, tirant le bâtiment vers le haut, vers le ciel. Enfin, on aime comment André Gomis ne fait pas l'erreur de faire descendre le toit jusqu'au sol, laissant un petit muret, évitant l'image d'une pyramide.



Justement, sur cette autre carte postale des éditions Jos, une pyramide tente d'exister mais là, également, l'architecte la pose sur un très léger socle et en brise la typologie. Comment ne pas jubiler des beaux contreforts blancs qui reçoivent la poussée de la charpente ? Comment ne pas aimer l'utilisation prolifique de l'ardoise qui donne à l'ensemble une connotation minérale que le crépi épais et écrasé largement à la truelle vient contredire ?  La carte postale nous permet également de comprendre un peu mieux les espaces entre les constructions, la densité relative qui depuis ce point de vue offre l'occasion sans doute de surgissement joyeux de formes entre elles. L'architecture semble ici posée sur le sable partout présent. L'éditeur nous indique que ce bâtiment est l'accueil des gîtes. Il fait beau le 17 mai 1976, l'architecte est décédé depuis 5 ans seulement.



Dans un beau noir et blanc qui laisse le soleil entrer dans la salle à manger des enfants, le photographe des éditions Jos prouve que la carte postale permet bien un tour presque complet d'un programme architectural. Regardez cette très belle salle ! Belle la porte d'entrée et son lustre suspendu au-dessus d'elle dont la simplicité est quasi-monacal, beau l'alignement parfait des tables et des très beaux bancs en bois massif, beau le grand nombre de verres Picardie et de bols de chez Duralex. On aimera aussi le très beau plafond caissonné. Un palmier et un caoutchouc passeront leur vie là, heureux de pousser sous les cris des enfants. Le sol ne serait-il pas fait de grandes dalles d'ardoise ?
Alors, André Gomis fut un grand architecte, je n'ai pas besoin de le dire ni même de le défendre ici. Pourtant, j'aimerais bien que, d'une manière ou d'une autre, son travail, son influence, son œuvre soient plus visibles et aimées. Je crois qu'il est grand temps qu'une belle et généreuse exposition replace l'architecte dans son siècle et donc dans le nôtre.
Des volontaires ?



 

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