dimanche 10 janvier 2016

Dubuisson Uckange grille chatoyante

Une vue aérienne c'est toujours bien pour commencer :



Le photographe et opérateur de Combier plonge sur la ville d'Uckange en Moselle. Il photographie l'ensemble sans trop prendre le temps de faire d'un point particulier le centre de son image. Tout de même il faut pour faire une belle carte postale y placer le plus d'éléments nécessaires, on y retrouve donc l'autoroute, les nouveaux quartiers, les usines, la ville plus ancienne et le paysage fuyant à l'horizon, verdoyant, que le ciel bleuit un rien.
Les historiens de l'urbanisme y trouveront à boire et à manger sur l'articulation de ces nouveaux quartiers avec la ville ancienne, sur la manière dont on fait le relais, comment on crée une jonction, comment on invente (ou pas !) une pénétration.
Nous, ici, nous oublierons cela. Nous regarderons surtout ce qui se situe à la droite de cette image car cela sent bon la bonne architecture, cela sent bon la grille moderniste.
Descendons un rien :




Voici toujours à Uckange, l'Avenue des Tilleuls. Cette fois c'est la maison d'édition "la Cigogne" qui s'y colle. La photographie est un rien étouffée, prise sans doute d'un peu trop bas et de trop près, la barrière des arbustes et le surgissement de la barre à gauche ferme un rien l'image. À l'âge des arbustes, on peut en déduire aussi la jeunesse de l'ensemble immobilier. Un détail nous ravit, c'est la nacelle des peintres en bâtiment en train de faire leur travail sur la façade. Fin du chantier ? Entretien normal ?




Mais déjà nous percevons l'épaisseur de cette façade dont la gille superbe forme presque un immense moucharabieh projetant au loin à l'intérieur les ouvertures. Cette épaisseur signe bien ici une attention et une qualité permettant de travailler la relation entre le dedans et le dehors sans hésitation, dans une régularité égalitaire de la profondeur des loggias qui dessine donc une grille parfaite. C'est l'architecte Jean Dubuisson qui régale. Et on prendrait bien un peu de rabiot :




Même éditeur, même Jean Dubuisson, même Uckange.
Comment ne pas jubiler devant une telle œuvre, une telle radicalité superbe au service d'une abstraction humaniste.
Si la référence au mouvement moderne tient essentiellement dans son orthogonalité puissante, on comprend bien aussi qu'ici elle n'est pas un geste esthétique mais elle est bien une projection sur la façade de l'ordre génial du plan. Ici, j'aime comment l'épaisseur forme une ombre sombre, presque insondable qui raconte bien ce travail sur l'épaisseur de la façade. Viennent comme plaquées dessus les lignes striant la surface du parallélépipède. Magnifique.
On aimera aussi comment de cette puissance égale, surgissent les poésies soudaines : les parasols bariolés qui racontent l'occupation de cet espace entre dedans et dehors. Jubilation. J'aime aussi le mur aveugle seulement réglé par une paire de grandes lignes verticales venant glisser sur les carreaux d'une grille abstraite.






Et la vie ?




Sur cette dernière carte postale, le photographe nous montre les jeux des enfants au square, rue Mozart. On ne pourra bien évidemment que peu se réjouir de la pauvreté de propositions pour cette aire de jeux face à une architecture aussi puissante et belle. Un tapis de sable, un toboggan et les enfants que l'on devine derrière les maigres buissons. Nous nous attarderons donc à nouveau sur les bâtiments, sur leur dessin ici visible sur les deux côtés de la barre. On en notera la couleur faite d'un brun profond et d'un blanc éclatant. Il suffit d'aller voir ce que cela est devenu pour comprendre une fois encore l'absence totale d'égards pour cette architecture par les propriétaires et bailleurs actuels. C'est épouvantable. Mais qui sont ces gens aveugles qui décident si mal, le matin entre deux cafés à la machine, de la couleur des façades sur des constructions de cette importance ? Espérons également que les lois écolo-chic sur les économies d'énergie ne conduisent, dans un bon sentiment, à épaissir ces façades par des isolations extérieures et à en ruiner l'héritage. À suivre...
On peut voir de superbes images sur ce toujours très intéressant site :
http://www.citechaillot.fr/ressources/expositions_virtuelles/les_logements_sociaux/presentation03-documents51.html

Et aujourd'hui ?

 



 

2 commentaires:

  1. Bonjour, outre l'architecture qui d'un point de vue extérieur semblait riche et belle quand ces édifices ont vu le jour dans les années 50... j'y ai pour ma part vécu pendant toute mon enfance de 80 à 90... (rue du Temple et rue Anatole France, derrière la rue mozart que vous mentionnez) et bien c'était devenu des coupes gorges, des zones de non droit... ces quartiers ont perdus de leur splendeur d'origine car habités en majorité par une classe plus que moyenne... lors des remises en peinture, l'effet Dubuisson a été gâchés pour certains... pour d'autre c'était une façon de faire renaitre ce quartier d'une autre façon, effacer les stigmates d'une trop longue vie vécue dans ces quartiers pourris... Alors merci de respecter les habitants et leurs choix esthétiques loin des canons des 30 glorieuses, mais un peu plus chaleureux même si ça peut être discutable. Heureusement que mes parents à l'époque ont fichu le camp de ces quartiers où l'on a entassé à la va vite des milliers de personnes... 70% ont été rasés depuis... et c'est la meilleure chose qui a pu arriver à ces quartiers.

    https://scontent-frt3-1.xx.fbcdn.net/v/t1.0-9/22195513_10210374746145628_3400928295856571510_n.jpg?oh=b91b44a6b7df3e823fc6e2597f3cf596&oe=5A81FFC8 (en rouge ce qui n'existe plus...)

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