lundi 24 août 2015

La Vierge des pauvres a trouvé son abri

Revenons sur le projet d'église à Nancy au Haut-du-lièvre.
Nous allons voir que parfois les projets et le réel donnent bien à voir un écart certain dont la réalité finale peut même être un rien décevante.
Commençons :



Cette carte postale est du type de carte de souscription pour alimenter et défendre la prochaine érection de l'église de la Vierge des pauvres du Haut-du-lièvre. On y voit dans le noir profond du studio la maquette de cette église, maquette incroyable pour une architecture étonnante. L'image et l'architecture, avouez-le sont saisissantes !
On notera que l'architecte est nommé au verso : D. A. Louis.
Que proposait l'architecte ? Sur un socle dont l'entrée est enterrée devait être posée une succession de couronnes se réduisant vers le ciel pour former une coupole couronnée d'un treillis métallique pouvant faire penser à une couronne d'épines. Le cinétisme de l'ensemble provient de la répétition du module et de l'ouverture dont on imagine que la lumière devait apparaître après la descente de l'entrée comme une révélation spatiale.



On note à gauche un petit édicule supportant la croix qui devait avoir le rôle de signal pour ne pas dire de campanile, nous ne voyons pas de cloche. La lumière sur la maquette étant particulièrement dramaturgique comme des phares de voitures venant en éclairer l'entrée, la photographie de cette maquette apporte si ce n'est un grand champ esthétique au moins la certitude d'un événement architectural, d'un geste. Le photographe n'est nommé que par ses initiales : J. V.
On attend donc à la vue de ce projet une réalisation audacieuse et originale mais :



Cette carte postale multi-vues de cette même église va nous permettre de relativiser cette audace. D'abord réjouissons-nous de retrouver notre Vierge ici abritée enfin dans son église. Puis à sa droite une image de l'intérieur de l'église et notamment de sa charpente nous permet de saisir l'écart entre la maquette et le réel !







Si la charpente en lamellé-collé est d'une grande beauté, le moins que l'on puisse dire c'est bien qu'elle s'est assagie par rapport au projet. Que s'est-il passé entre la projection du rêve et la réalité ? Difficulté technique ? Discorde esthétique ? Manque de moyens financiers ? On se retrouve donc avec un plan circulaire dont s'élève une couverture reprenant l'image de la tente si chère à Vatican 2 mais ayant abandonné le cinétisme de la première version. On retrouve un peu l'histoire de l'église Saint Jean de Grenoble. Mais ne soyons pas trop déçus et admirons tout de même le reste de cette église que nous donnent à voir les autres détails. D'abord son espace circulaire extrêmement chaleureux grâce à son ciel de bois et dont la lumière court tout le long de la jointure entre son socle de béton (?) et son toit. Puis le mobilier et l'ensemble décoratif et les surprenants reliefs sculptés des murs donnent à l'ensemble une vraie modernité, une beauté un rien naïve parfois. L'éditeur Combier nomme bien l'architecte D. A. Louis, elle fut expédiée en 1967.
Pour finir cette visite du moment, voici un espace incroyable :



Nous sommes bien dans cette même église de la Vierge des Pauvres. Les éditions de l'Europe ne précisent pas l'objet de cet espace particulier mais nous pourrions facilement identifier le baptistère. L'effet cryptique dont surgit une lumière circulaire rebondissant sur le bleu du point d'eau est vraiment surprenant. Comment ne pas être également surpris et séduit par les murs en très haut relief granuleux qui m'évoquent quelques temples mayas ! Il s'agit en tout cas d'une vraie expérience spatiale, d'un vrai moment architectural dont l'image sert sans doute, dans la perte de l'échelle, le mystère. Quels autres lieux que nos églises modernes et contemporaines ont ainsi pu nous offrir des espaces architecturaux aussi abstraits, déterminés, curieux ?
Si nous faisons un petit tour sur Google Earth nous retrouvons notre église de la Vierge des pauvres. Et comme souvent, quelque chose de ce réel objectif d'une Google Car sans jugement nous serre le cœur. Pourtant, elle est là, la Vierge des pauvres, ouverte, offerte si j'ose dire. Et dans ce lieu, semi- enterrée, elle offre encore sans doute son rôle premier, un espace à part, hors du monde mais aussi en son cœur. J'aimerais y faire un tour.






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