dimanche 30 août 2015

Foncillon réconciliation

Malgré une nuit difficile où les images de la journée d'hier revenaient en boucle, au matin, au petit déjeuner, Jean-Michel et Mohamed avaient fait tout deux bonne figure. Jean-Michel savait décrypter dans une politesse trop appuyée, dans des petits gestes attentifs de la part de Momo les excuses qu'il ne dirait pas. Ces deux-là fonctionnaient ainsi sur le mode du silence bavard.
Lorsque Gilles descendit à son tour pour prendre le petit déjeuner dans la salle de l'Hôtel Beau Rivage, il s'assit à côté de son frère, lui aussi, comme si de rien n'était. Il faudra maintenant toute la patience de Yasmina et de Jocelyne pour faire chauffer à nouveau, entre ce trio masculin, la complicité qui les reliait.
Momo taquina un peu Gilles, histoire de le faire rire et de briser ce silence. Gilles se laissa ainsi un rien moquer sur sa tenue, et Jean-Michel, dans une complicité soudaine avec Momo, ajouta une petite pique en levant les yeux de son journal. Gilles se laissa faire, tous et surtout lui, savaient bien qu'il s'agissait là d'une stratégie familiale et non d'une vraie attaque.
Il faisait beau.
Momo osa même exprimer une envie. Il voulait absolument aller se baigner dans la piscine de Foncillon. Il savait pourtant que Jean-Michel ne comprenait rien à ce désir de bain en piscine alors que la mer elle-même était au pied du bassin, gratuite, vivante, joyeuse.
Momo essaya d'argumenter sur la température, la propreté, les plongeoirs et la tranquillité d'un espace privilégié. C'est bien ce privilège qui exaspérait Jean-Michel.
Gilles regarda Momo dans les yeux et lui demanda pourquoi il n'évoquait pas tout de suite la seule et vraie raison du désir de Momo d'aller à cette piscine.
Momo resta bouche bée.
Jean-Michel demanda à Momo des précisions que celui-ci fit semblant de ne pas comprendre.
"Les filles." finit par dire Gilles.
"Et surtout une."Ajouta-t-il.
Jean-Michel comme soutenu par le rempart de son journal qui le cachait à moitié regarda fixement Momo qui détourna les yeux puis, comme à son habitude, Momo reprit la parole immédiatement pour prendre position, argumenter, occuper l'espace de ses mots et désavouer Gilles.
Mais la surprise vint de Jean-Michel qui lui coupa la parole.
"C'est une excellente raison. Pourquoi ne pas l'avoir dite de suite ?"
Jean-Michel savait parfaitement que Momo serait bien plus gêné en trouvant en son père un allié exigeant une parole vraie plutôt que des mensonges sous-entendus et complices.
Momo et Gilles restèrent stupéfaits.
"Je suis d'accord, vous allez à la piscine de Foncillon. Gilles tu decideras de la fin de la baignade qui ne devra pas excéder 18h30. Vous rentrez directement, vous ne quittez pas la piscine sans nous dire où vous allez. Je passerai vous voir dans l'après-midi par surprise. Momo tu fais exactement tout ce que te dit ton frère. C'est à prendre ou à laisser comme proposition."...........



.............Comme convenu, Jean-Michel laissa Yasmina et Jocelyne sous les voûtes du port pour aller jeter un coup d'œil à ses deux fils laissés à la piscine de Foncillon. Et comme à son habitude, Jean-Michel jeta d'abord un regard général sur les lieux,  admirant la belle tour de Foncillon et le Palais des Congrès. Il s'étonna aussi que depuis cette hauteur, légèrement en surplomb, on puisse voir Notre-Dame de Royan dépasser un rien de l'hôtel Beau-Rivage.







Il ne mit pas longtemps à trouver ses garçons qui occupaient symétriquement les plongeoirs. Ils avaient tous les deux des maillots de bain du même rouge vif achetés ensemble comme un signe de ralliement. Mais dans leur attitude, dans leur geste, Jean-Michel pouvait aussi reconnaître leurs différences de caractère. Gilles était seul sur le plongeoir, il regardait à sa droite son frère Momo juché sur le dos d'un autre adolescent, complice et camarade de jeu d'un après-midi comme savait en trouver Momo partout où il allait ce que ne faisait jamais Gilles dont semble-t-il la proximité avec son frère lui suffisait toujours. Gilles voulait là faire un beau plongeon, propre, bien dessiné, sportif. Momo, lui voulait faire un énorme splash, une bombe la plus bruyante et spectaculaire possible.






Jean-Michel les regarda sans intervenir assez fier de ses deux garçons. Il vit aussi que deux jeunes adolescentes étaient elles aussi au spectacle. Gilles s'élança le premier, parfaitement tendu et entra dans l'eau sans aucun frémissement de la surface. Momo et son copain tombèrent dans l'eau dans des hurlements stridents juste avant un silence puis l'énorme geyser attendu. Les trois nagèrent vers le bord et Jean-Michel décida d'aller les rejoindre. Jean-Michel comprit immédiatement à l'attitude de Momo que celui-ci avait peur que son père ne désapprouvât ce plongeon bruyant et viril.
"Tout va bien ?" demanda Jean-Michel aux deux têtes mouillées dépassant du bleu de la piscine.
"Oui, on va bientôt rentrer Papa, il est presque l'heure non ?"
"Vous avez encore une demi-heure, Gilles. Aucun retard, vous entendez. Aucun retard."
"Et si on rentrait maintenant puisque tu es là ?"
Cette proposition de Momo d'écourter ainsi la baignade était le dernier geste de réconciliation que celui-ci voulait offrir à son père. Gilles approuva, il était un peu lassé des jeux puérils de son frère dans cette piscine même s'il avait bien apprécié la compagnie de son camarade d'un après-midi.
"Parfait, je vous attends dehors."
Jean-Michel entendit alors l'une des filles, celle au maillot blanc, s'adresser à Momo.
"Oh dis donc il est pas marrant votre père, venir vous chercher comme ça !"
"Notre père il est génial et ce que t'en penses, on s'en bat l'œil." Lui rétorqua aussi sec Momo.



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