samedi 11 juillet 2015

Pourtant c'est Prouvé, pourtant c'est Fillod



Des fois, il n'y a rien à faire, c'est moche.
Pourtant...
J'essaie souvent ici de déborder des images, de sortir de leur représentation, de comprendre qu'elles ne disent pas tout et que, lorsqu'on essaie d'apprendre souvent on apprend aussi à aimer.
Mais voilà, cette église Notre-Dame-de-Fatima de Creutzwald avec son toit en tôle ondulée, ses pierres trop lourdes, ses ouvertures de pigeonnier, son implantation sans grâce dans le sol, rythmée par la succession des travées, la forme générale d'une tente, la porte en bois, tout cela donne à cette église quelque chose de lourd, de triste, manquant singulièrement de poésie.
Pourtant...
Cette église appartient à une série construite et dessinée par Jean Prouvé. Oui.
Il faut dire immédiatement que le dessin d'origine, celui de l'ingénieur était fait pour une église de métal et surtout pour une église provisoire et démontable devant répondre à l'urgence de la demande.
De l'idée de Prouvé, les architectes Sommermatter et Voltz n'ont gardé que la forme générale et le principe constructif. Tout le reste a disparu.
On peut même se demander si l'on peut encore parler d'œuvre de Jean Prouvé tant l'écart est grand. L'église semble ainsi totalement ancrée au sol par une multitude de pattes courant le long de l'église. On ne peut sans doute pas en vouloir aux architectes ayant eu à jouer avec un système constructif certes moderne et innovant, certes proposant le nomadisme comme image, mais sans doute, dans sa légèreté et sa spatialité, trop loin du désir de lieu sacré et de stabilité que les croyants ont le droit aussi de réclamer. Si la fragilité de l'édifice religieux peut servir son esprit, il faut aussi reconnaître que le lieu de rassemblement de la Foi religieuse a certainement besoin d'une forme de... Certitude.
Alors on pourrait dire que les architectes n'ont sans doute pas saisi le génie de Jean Prouvé qui lui-même n'a sans doute pas saisi ce désir d'image d'un tel programme. Tout le monde ne goûte pas la légèreté, le démontable, la poésie subtile d'une tôle pliée.
Tout cela produit un ensemble bancal, mal posé dans son histoire, aux désirs contrariés de deux visions d'un objet architectural.
Alors mon avis et certainement aussi mon goût n'ont aucune importance sur le jugement de cette histoire et sur cette réalisation. Il ne fait pas de doute que cette église et ses sœurs représentent un moment de l'architecture religieuse en France et méritent d'être préservées et aussi aimées.
Mais, excusez-moi, je les trouve moches.
Regardez :



Nous sommes à Saint Nicolas-en-Forêt. un petit ensemble d'immeubles très typés M.R.U est construit dans un jardin. Le photographe des éditions Estel cadre avec soin. Il place les arbres et leur idée de nature au centre, laisse au loin comme perdus dans ce parc, les petits immeubles et vient placer... oui... l'église provisoire.
Elle aussi est démontable, elle aussi est provisoire, elle aussi est une église.
Mais voyez-vous, j'en aime mieux sa radicalité, sa simplicité et je dirais même son dessin. Non par défi mais simplement qu'ici, on reconnaît à la fois l'objet architectural et sa fonction, tous deux liés ensemble non pas par des "visions d'architectures" mais par une fonction jouée et vivifiée par ceux-là mêmes qui y viennent.
Avant d'être une construction, une église est l'assemblée des fidèles.
Et ce baraquement de tôle du type de Ferdinand Fillod, de ceux que l'on croisait sur les chantiers de la reconstruction ou sur les terrains militaires n'a rien à envier à l'aventureux et génial Jean Prouvé.
Ici, je lui trouve même une belle élégance dans son dessin et dans sa clarté constructive que les églises du dessus oublient. Il serait temps de revoir cette histoire du métal et de servir un peu plus tous ces constructeurs un peu oubliés et écrasés par une histoire trop souvent répétée.
À quand une belle baraque Fillod à la Biennale de Venise ou dans une galerie parisienne ?
Alors j'entends déjà les sirènes me chantant la différence des programmes, la taille des constructions etc. Oui.
Mais si on aime une radicalité, un brutalisme serein né d'une nécessité, si on aime une forme efficace et non contrariée par des enjeux d'images, alors comme moi, on préférera allumer son cierge à Saint-Nicolas plus tôt qu'à Creutzwald.
C'est dit. Mais rassurez-vous, il me suffira d'y aller, d'entendre parler de démolition, de lire une ânerie sur les églises modernes et Vatican 2 et vous me verrez défendre comme il se doit les belles églises de Forbach, Creutzwald ou Behren-Nord !
Merci vivement à Daniel Leclerc pour cette carte postale de Creutzwald et tous les documents envoyés qui m'ont permis de faire cet article un peu polémique !
Merci également à Pierre Lebrun pour son remarquable livre Le temps des églises mobiles qui rappelle bien, c'est le cas de dire, la genèse de ces églises nomades de Jean Prouvé. 
Rappelez-vous cet article.
Pour voir plein de Fillod, je vous conseille vivement la visite de ce site plein d'incroyables images :
http://www.zapgillou.fr/fillod/index.php








Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire