mardi 19 mai 2015

Les Chemetov chez Candilis et Niemeyer

Je reçois régulièrement des cartes postales par des donateurs avisés et amicaux qui, d'une certaine manière, par le choix des images qu'ils m'envoient font un peu un portrait d'eux-mêmes.
Aujourd'hui, dans un rangement frénétique de printemps, je retrouve une enveloppe expédiée par Agnès Chemetoff contenant trois cartes postales absolument superbes.
Je le dis de suite, recevoir de l'Agence de Paul Chemetov un courrier c'est toujours émouvant. J'ai déjà eu le plaisir de vous dire ici combien souvent l'œuvre de cette agence et donc de Paul Chemetov m'est sensible. J'ai eu quelques belles émotions au pied des œuvres comme le Ministère de l'Économie, la station de métro des Halles ou l'incroyable et toujours d'actualité immeuble d'habitations rue de l'épée-de-Bois à Paris. J'aime ce parcours et ce travail.
Ici, l'agence de l'architecte par l'intermédiaire d'Agnès Chemetoff ne m'envoie pas des cartes postales de l'œuvre de l'architecte ou de l'agence mais trois vues de deux endroits qui me sont aussi très chers : Brasilia et Toulouse-le Mirail !
Je commence par cette carte postale :



Bien qu'elle soit en multi-vues, cette carte postale du Mirail est rare et passionnante. L'éditeur est Carterie Occitane par F. Loubatières et nous montre donc quatre vues. On en devine la dalle piétonnière, le traitement de la grappe et des petites constructions plus basses en contraste. On voit que le photographe fait verdir l'architecture en cherchant, et c'est facile, à placer des végétaux devant le béton. La vue qui m'intéresse le plus est celle-ci :



En se plaçant à l'intérieur même de la construction, en laissant à gauche les logements, le photographe nous dit bien le ressenti de cette architecture. On devine dans le bas le traitement du sol et les jardins de béton mêlé de végétal. Car, il faut le dire encore, souvent, dans sa présentation d'image, la photographie d'architecture nous projette comme regardant le bâtiment mais peu comme ceux qui y vivent. On ignore trop souvent ce point de vue depuis l'architecture. Ici, par cette miniature photographique, le photographe signifie bien l'espace et la vision de la machinerie du Mirail. C'est donc un très beau document populaire sur l'une des œuvres majeures de l'architecture.
Mais je rêve un peu et sans doute que vous allez rire un rien si je vous dis que dans cet autre détail, je m'autorise à y voir... Candilis lui-même... regardez, c'est troublant...






Ce petit bonhomme rondouillard avec de grosses lunettes fumées qui se promène en cravate et semble visiter le lieu accompagné de deux acolytes, j'aime à croire qu'il s'agit de Georges Candilis ! Et pourquoi pas... Laissez moi au moins croire que le photographe n'est pas venu par hasard en cette journée sur la dalle du Mirail mais qu'il suivait l'architecte et son équipe. Bon, je sais, je fictionne sans doute mais je vous sens troublés tout comme moi... Avouez...
Prenons l'avion et restons en l'air :



Nous voici au-dessus de l'autre plus belle ville du Monde après Royan, c'est bien sûr Brasilia !
La très belle carte postale des éditions Edicard nous montre les Ministères et la très belle perspective implacable des immeubles rangés sagement dans un ordre fulminant. On devine aussi la courbe de l'aile du plan en oiseau de la ville qui se courbe dans le fond de l'image.
Une autre ?



Toujours chez le même éditeur, l'avion ici remonte l'axe monumental de Brasilia dont les deux tours rapprochées forment comme un instrument de visée, la fente idéale de la vue.
La limpidité ouverte de ce plan, la générosité des aplats vides, la radicalité des circulations et la monumentalité parfaite d'une géométrie aimée, souhaitée, dirigée font de cette ville LA cité idéale à nos rêves de modernité, presque effrayante à sa justesse d'image. Parfois, une partition trop claire, trop juste peut faire croire à une simplicité. Ici, c'est d'abord une volonté politique qui s'affirme. Rien n'y résiste, c'est beau, c'est capital.
J'aime aussi dans cette carte postale, la très fine ligne de ciel qui est maintenue en haut de l'image. Deux millimètres de ciel céruléum tenant sa promesse d'horizon.
Me reste à remercier vivement Agnès Chemetoff pour cet envoi qui dit sans doute aussi quelque chose de la liaison de l'agence avec ces architectures. Cartes postales ramassées sur place ? trouvées dans des archives ?
Qu'importe, elles disent une liaison effective, un désir partagé d'une architecture puissante, dessinée, et donc de l'Architecture.

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