samedi 9 novembre 2013

Fragments d'un constructivisme


Matthieu Martin, Cover Up, Rouen 2010.

La Galerie Störk à Rouen est l'un de ces rares espaces d'art contemporain d'une grande vitalité.
Ce tout petit lieu se voit en permanence renouvelé par la présence d'expositions très souvent de grande qualité et parfois très mystérieuses.
Je visite la dernière exposition qui est consacrée à un jeune artiste venant des Beaux-Arts de Caen, exposition dont le titre "Fragments" est assez juste. Matthieu Martin y montre un goût pour le caviardage des graffitis urbains, une mise en abîme de la peinture, un jeu bien cerné entre respect d'une histoire de la peinture abstraite et un humour délicat. Sur des revues de graffitis, il occulte les peintures d'aplats gris ou noirs, dans la rue, il joue à la restauration de l'une de ces peintures comme on le voit faire des restaurateurs de peintures anciennes. On hésite entre une admiration pour la peinture abstraite libérée des supports traditionnels et une remise en question du geste des graffeurs qui auraient trop vite oublié l'histoire de l'abstraction. Car, Matthieu Martin est un peintre. Un peintre qui, en quelque sorte trouve ses peintures, les sauve, les donne à voir et les fait basculer d'une culture vers une autre : c'est d'un transport qu'il s'agit.
Mais pour ce qui est de l'architecture ?
Nous avons vu ici sur ce blog de nombreux artistes qui tentent souvent avec talent de faire entrer les problématiques de l'architecture, de son image dans l'art contemporain allant d'une admiration profonde à une critique sociale.
Mais ici, Matthieu Martin invente un genre d'intervention assez inédite : la restauration.
Invité à la Biennale d'Art Contemporain de Ekateringburg, il propose comme projet une chose assez incroyable, redonner la dignité à la Tour Blanche, œuvre constructiviste construite dans cette ville par l'architecte  russe Mosie Reicher en 1929. Débarrassée de ses publicités sauvages, repeinte en blanc pour en effacer les graffitis, la Tour Blanche, objet superbe retrouve ainsi sa pureté d'objet architectural moderniste d'une beauté époustouflante. Quelle idée ! Quelle ambition !
Faire du geste de remise en état d'un bâtiment un geste artistique autonome est une particularité bien peu commune. On pourrait seulement le rapprocher de l'acte de désensablage du Bunker par Cyprien Gaillard. Mais Mathieu Martin agit lui sur un objet présent dans l'espace et semble par son geste avoir eu comme responsabilité celle de voir enfin les autorités locales et les amateurs d'architecture prendre le relais et penser cet acte comme nécessaire à l'histoire de leur ville. C'est donc un acte de recouvrement qui révèle...
Et le titre du travail de Matthieu Martin dit parfaitement cela : Refreshing the Revolution.
Alors, je ne sais pas si l'acte de repeindre est un acte aussi puissant qu'une révolution, je ne sais pas si rafraîchir cette révolution est seulement ce qui doit être accompli dans le bazar libéré d'un capitalisme désordonné d'une ancien territoire soviétique, mais je sais qu'à Ekaterinburg, un artiste est venu et que le temps d'une Biennale, il a offert à la ville l'occasion de s'interroger à nouveau sur son héritage architectural et artistique. Et cela, sans aucun doute est art, et cela sans aucun doute est de la Politique.

Pour toutes informations :
galerie STÖRK
81, rue d'Amiens
76000 Rouen
06 87 19 48 69



















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