dimanche 9 juin 2013

La mémoire comme projet. Le bleu comme objet.

Je viens vers vous pour une actualité éditoriale et une belle réalisation mémorielle.
Voici d'abord la construction :



Cette réalisation superbe et qui semble tout droit sortie de l'imaginaire puissant de Monsieur Claude Parent est le Mémorial de la colline de Maarjamägi en Estonie. Il semble que le concepteur soit Allan Murdmaa. L'ensemble aurait été monté en hommage au centième anniversaire d'un festival de chant... Le conditionnel est ici tout à fait nécessaire !
Mais quel dessin !





On pourrait avec quelques corrections se croire devant une maquette de paysage de la Fonction Oblique. Ce qui est remarquable c'est bien que le monument est constitué de soulèvements, de buttes géométriques bien plus que d'une sculpture même si le cheminement mène à une ouverture entre les deux pointes fermées par une volume de bronze. L'idée est bien ici de produire une expérience spatiale qui déborde la question de l'objet mémoriel. Reste à savoir si cela fait image ou s'il était (est ?) possible de réellement arpenter les pentes et les obliques de cette très belle réalisation.
La carte postale nous donne également le nom du photographe : G. German. Le Mémorial serait de 1975 et la carte postale de 1978.
Nous allons maintenant voir un autre monument grâce à un livre que
Claude Parent vient de m'envoyer :



Yves Klein, Claude Parent, Le mémorial projet d'architecture évoque avec beaucoup de finesse et surtout aussi avec une grande qualité éditoriale les relations entre l'artiste plasticien et l'architecte. Nous avions pu lors de la rétrospective de Monsieur Parent suivre déjà cette période de leurs vies mais ici, c'est exprimé avec beaucoup de clarté et même une certaine forme de fascination amicale que l'architecte explique très bien dans un des entretiens.
J'avoue ne pas toujours avoir bien compris ni aimé l'œuvre d'Yves Klein, mais ici se dessine une personnalité forte et hypnotique qui semble avoir pu porter certaines visions poétiques, certaines impossibilités magnétiques.
Je dirais que ce que j'aime chez Yves Klein c'est bien plus l'esthétique de sa relation avec l'architecte. On rêvera sur les architectures d'air, sur le feu qui rencontre l'eau dans des jets puissants et sans doute aussi métaphysiques. On rêvera surtout parce que Monsieur Parent avait su mettre en forme et en dessins les imaginaires débordants de l'artiste. C'est une leçon de dessin qu'il faut prendre à l'exact. C'est la preuve que la mise en forme génère autant l'idée que la pensée qui la construit. Pour ma part, je crois au dessin, je crois que dessiner c'est vivre le dessin. C'est fabriquer des espaces libres. Et si le toit d'air pulsé doit faire dévier la pluie et si le silence remarquable de sa machinerie n'existe que dans l'espace de la feuille de papier, je suis prêt à le croire. Car même l'imaginaire le plus radical, même l'utopie la plus saisissante ont besoin d'une expression et Claude Parent a su offrir à Yves Klein cette expression et a donc accordé une réalité à son monde. Ce n'est pas du vide, ou si c'est du vide c'est celui dans lequel on se jette du haut d'un mur.
Le livre est également l'occasion de voir le très très beau projet de monument que Claude Parent avait dessiné pour Yves Klein pour Saint-Paul de Vence.
Il faut maintenant le construire. Il faudra enfin que ce dessin, cette pensée prennent l'espace du réel. Ce monument qui bascule entre parc astrologique et astronomique indien et un Dani Karavan radical est d'une beauté brutaliste parfaite.
Puisque l'observation et la sensation sont le centre de cette expérience construite (donc de cette architecture), il ne fait aucun doute qu'il s'agit là aussi d'une des œuvres majeures de Claude Parent qui reste l'architecte des sensations, l'un des derniers à avoir considéré les sens non pas comme des pièges mais comme l'absolu de l'architecture. C'est bien aussi l'esprit d'Yves Klein qu'on visera.
Que toutes les énergies du ciel, de l'eau, du feu, celles de l'air et du béton solide se mettent en mouvement et que, rapidement, ce monument déjà réel dans nos rêves puisse enfin se construire sur le sol.
Et comme dédicace à son envoi, Monsieur Parent m'indique : " Est-ce que le vide fait partie de l'univers brutaliste ? Oui ? Sûrement. "
Nous lui répondrons que nous sommes d'accord et que le vide au-delà du centre est la force de l'univers, en quelque sorte sa Fonction.

Yves Klein, Claude Parent, le Mémorial, Projet d'architecture
Rotraut Klein-Moquay, Audrey Jeanroy, Philippe Ungar
éditions Dilecta
isbn : 979-10-90490-36-9
25 euros.
Achetez-le !

Quelques images qui ne rendent pas bien compte de la qualité éditoriale de ce livre :






















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